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Le Pont des amants de l'amant
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7 mai 2007

Le Nénuphar bubonique

J'ai précipité le lagon sidéral, la vie inouïe et veloutée,
Le crabe et l'archipel qui rient Jean-Jacques Goldman
Fange résidentielle et glaciale, parfois caverne turquoise
Tu croques ton éclat, vois les langours qui bercent

Pourtant, j'ai dédié, toujours vert, glissant la grenouille
Quand les funambules et les insensibilités, balancés par la brisure,
Craignaient les âcres soleils, les pourpres écrasés qui voguent
Et c'est trop de fendre, quand on s'éteint droit

C'est ocre de dormir, étriqué d'être éclosion
Mais je remplis l'hiver et la banane me crève
Les peupliers du panda, nerveux et superbes, fileront les flêtrissures,
Avec le bleu des stupides craquements

Le Nénuphar bubonique, Yaruch Bann (1987)


Ce poème présente une spécificité non négligeable: il s'en est fallu de peu pour qu'il devienne le plus célèbre des poèmes de la PSL. En effet, le 20 novembre 1987, alors qu'il est en voyage en Guyane française, Yaruch Bann, muni de ce poème peint sur une large affiche, se rend à Kourou. Son objectif, aussi dément qu'il puisse paraître: parvenir à fixer son texte sur la fusée Ariane II, et ainsi envoyer ces trois quatrains dans l'espace!
Mais au risque de me lancer dans des apophtègmes moralisateurs et bien-pensants, fixer un poème sur une fusée avant le décollage n'est pas chose aisée! Car au moment où Bann s'approche de la fusée, un membre de la sécurité l'aperçoit, et malgré les précautions minutieuses du poète (qui s'est préalablement procuré un uniforme de technicien), l'identifie en tant qu'intrus. Il l'empêche ainsi de se rapprocher davantage, et l'appareil décolle, vierge de toute poésie.
Malgré tout, il faut savoir que la tentative de Yaruch Bann était très dangereuse, et qu'en l'empêchant de répandre sa poésie au delà de la stratosphère, l'homme l'a également empêché de répandre son corps sur le tarmac du Kourou...

Il dira d'ailleurs à ce sujet:

"Je dois avouer que je n'avais pas songé à l'aspect "mortellement dangereux" de l'acte. Vous savez, il m'arrive souvent de penser au nom de la Littérature avec un grand "l", et pas aux considérations, humaines, soit, mais bassement individualistes qui se préoccupent de la survie du corps. C'est vrai, mon enveloppe charnelle aurait été carbonisée, mais mon âme aurait atteint les étoiles..."

Bann devra donc se contenter d'inscrire son poème dans un pré de la campagne girondine, en ciselant des massifs de coquelicots pour leur donner la forme des phrases de ce "Nénuphar bubonique".

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