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Le Pont des amants de l'amant
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28 mai 2007

Les fêtes de Bann

Dans les années 60, Yaruch Bann organisa ce qu'on appelle les fêtes de Bann. Il faut y voir la même définition que celle des fêtes ordinaires, mais avec bien sûr la patte artistique de notre ami Jamais Satisfait. Organisées dans de grands pavillons arcachonnais, elles rassemblaient généralement, entre autres, de grands artistes mystérieux aux personnalités débridées. Je laisse maintenant la place au témoignage d'Edmond Pénélope, LE spécialiste de Bann:

"Je me souviens qu'à l'époque, être invité à une fête de Bann était très flatteur, et c'était surtout un passeport fantastique pour quiconque voulait avoir une place dans l'ascenseur social horizontal d'Arcachon. J'ai souvent été invité à ces fêtes, et je dois dire que j'en conserve un souvenir fabuleux, teinté d'une couleur inexprimable et inhérente aux siquestises.
A vrai dire, même si la Chenille Bleue [le surnom que Pénélope donne à Yaruch Bann, ndr] a toujours été très attaché aux valeurs de démocratisation de tout ce qui pouvait sortir de son cerveau, il était très sélectif en ce qui concernait les invités. J'ai une fois assisté aux préparatifs d'une fête bannienne: Yaruch était là, accompagné d'un type que je ne connaissais pas, qu'il appelait Sextus Bigorneau et qui passait son temps à casser des poupées russes avec ses dents.
Quelque chose me frappait, dans le choix des invités: tout donnait l'impression que ces deux gars écrivaient une pièce de théâtre. Le jour où j'ai fait cette remarque, la Chenille Bleue m'a jeté un regard de paquebot, et m'a froidement demandé de sortir, et au moment de franchir la porte, l'autre m'a balancé une poupée russe sur le crâne. (...)
Les fêtes de Bann étaient ce genre d'événements où le temps donnait l'impression de s'être arrêté pour laisser la place aux farfadets nocturnes qui pensent à l'envers et comptent leurs doigts à rebours. C'était comme si les invités n'existaient qu'à ces moments là; chacun venait avec sa veste, son carton d'invitation et sa nouvelle personnalité. Moi-même, après plusieurs expériences, j'ai pris le pseudonyme de Quintus Ecrevisse.
Je me souviens d'un type, pittoresque à en vomir des fleurs de joie, qui était devenu une vraie légende. Personne ne connaissait son vrai nom, ni sa vie, mais tout le monde l'appelait Pamphlet, à cause de la première fois où sa caractéristique s'était manifestée: un invité avait refusé de lui servir à boire, et, ivre de rage et de cognac, il avait bredouillé d'une voix droite "Puisque c'est comme ça, je vais écrire un pamphlet sur toi!", s'était assis dans un coin avec du papier et un crayon, et plusieurs minutes plus tard, il était revenu voir le convive en question pour lui remettre sa composition. Pamphlet ne se limitait pas à ce genre littéraire, bien sûr, chaque événement était prétexte à l'écriture de quelque chose. J'ai moi-même encore un sonnet qu'il m'avait dédié, et qui s'appelle "Merci de m'avoir passé les olives".
Les fêtes de Bann étaient bourrées de personnes de cette trempe, qui donnaient l'impression de vivre une pièce de théâtre de Ionesco ou un roman de Vian. En fait, quand j'y réfléchis, je pense qu'on vivait des pièces de théâtre de Bann. Pamphlet me manque. Le type aux poupées russes me manque, aussi. Bon sang, quelle époque bénie!"

Ces fêtes ont considérablement marqué les esprits et l'art de l'Arcachon de l'époque, et hormis les témoignages d'Edmond Pénélope, de nombreux artistes ont raconté ces fêtes, de façon réaliste ou non(et parfois peu importe). Bann lui-même a décrit ces événements dans ses Carnets de fêtes, et j'aurai très bientôt l'occasion de vous en recopier des extraits.

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Commentaires
B
Cher M. Pessoa,<br /> <br /> <br /> <br /> Je viens de découvrir par hasard votre blog, alors que je musardais sans but réel sur la Toile. J’y vis avec stupeur quelques précisions sur les fêtes banniennes, et dois vous confesser être quelque peu troublé, car j’avais déjà eu vent de ces évènements insolites, bien qu’il ne me soit pas possible de me souvenir du contexte exact. Ceci serait simplement amusant, si cette fortuite découverte ne s’était pas ajoutée à une autre dont il me faut vous parler. Il y a quelques jours, alors que je laissais ma main errer sur le dos de quelques livres parsemant les rayons de ma bibliothèque, je découvris par le plus grand des hasards, entre le volume 2 des Misérables et « Never Do That With Your Fingers, Use Koalas » (ces derniers ouvrages ayant été acquis lors d’une foire aux livres initiée par la bibliothèque municipale d’Arcachon, il y a déjà quelque temps), quelques feuillets manuscrits d’une sibylline écriture, ornés d’un étonnant parafe : « A. C. Y. B. ». J’ai vu le commentaire de M. Rostpov à ce même sujet, et je trouve bien singulier qu’il y ait tant de trouvailles au même moment. A son instar, je m’en remettrais à votre expérience d’exégète bannien pour confirmer ou infirmer l’authenticité de ces écrits. Quelques-uns de ceux-ci me parurent particulièrement intéressants, caractéristiques de l’œuvre de Bann, aussi ne résisté-je pas à l’envie de vous en recopier ici un morceau.<br /> <br /> <br /> <br /> Il s’agit apparemment de manuscrits destinés à une œuvre plus vaste, intitulée « Autoradiographie posthume », qui, si j’en saisis bien le concept est une auto-interview de Bann par lui-même (peut-être une réminiscence de la période Antiyaruch Contrebann), à ceci près que, pour plus d’objectivité, le Bann qui répond à ces questions est déjà mort (ou alors feint de le faire, entendu qu’il est souvent bien difficile de savoir jusqu’à quel point Bann jouait la comédie). Plusieurs concepts y sont développés, notamment ceux de la moquette à carreaux dans une salle de bain, de la danse des renards en période de rut (comparée au le processus de transsubstantiation), des comics Marvel, ainsi que celui du « Chaisisme ». Mais trêve de bavardages inutiles, laissons parler l’auteur sur ce dernier sujet :<br /> <br /> <br /> <br /> « Q – En parlant du tabouret - arme utilisée par un plantigrade venant du futur pour assassiner le moine bénédictin en charge de l’entretien des jardins du Pentagone au sein duquel se passe en fait toute l’intrigue de votre dernier roman, si je ne me trompe pas – pourriez-vous nous dire quelques mots à propos du Chaisisme ?<br /> <br /> R – Ah ! le Chaisisme ! Bon alors je crois que la définition officieusement officielle - on a développé ça en secret, sinon le gouvernement nous aurait arrêtés, ou aurait au moins mis son grain de sel là-dedans, vous pouvez être sûr !<br /> <br /> Q – Et la définition ?<br /> <br /> R – La définition ?<br /> <br /> Q – Du Chaisisme.<br /> <br /> R – Ah oui, il s’agit en fait de « la foi dans le mobilier à quatre pieds conçu pour recevoir un séant plus au moins volumineux ». Bon dit comme ça, on dirait des conneries, mais en fait, c’était beaucoup plus subtil qu’il ne pouvait y paraître… Y’a eu des tonnes de réactions, des milliers de croyants, des gens de toutes les catégories sociales réunis par un intérêt commun ! Et le plus drôle dans tout cela, c’est que le Saint-Siège ne pouvait rien dire ! Sur le plan politique, cela s’est traduit par la revendication d’une plus grande considération pour ces mêmes meubles, et des demandes de reconnaissance par la communauté internationale d’un état chaisois. Parce que de toute façon, on n’est jamais mieux que chaisois…<br /> <br /> Q – Vous dites, « nous aurait arrêtés » ; quel était votre degré d’implication dans tout cela ?<br /> <br /> R – Hmm… je sais pas si je peux vraiment répondre à cette question, des tas de personnes pourraient pâtir de ce que je dis… prenez Picasso, par exemple, si on avait su qu’il fut un militant actif à une certaine époque, vous croyez qu’on aurait payé un copeck pour Guernica ?<br /> <br /> Q – Picasso était impliqué ?<br /> <br /> R – Non, c’est une blague, c’était juste pour casser sa réputation !<br /> <br /> Q – Mais pour en revenir à vous… seriez-vous d’accord pour dire que vous avez été un des leaders de ce mouvement ?<br /> <br /> R – Ouais, enfin leader, leader, je préfère le terme de « boss ».<br /> <br /> Q – Justement, il y a eu un investissement énorme sur le plan artistique, non ?<br /> <br /> R – Oh, énorme, vous savez… moi j’écrase un panda sur une feuille, je la signe et ça devient une œuvre d’art. Mais c’est vrai qu’il y a eu du boulot.<br /> <br /> Q – Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?<br /> <br /> R – Bah, vous avez les courts-métrages : « Blanche-Chaise et les Sept Mains » a fait un carton à l’époque, vous savez. « Chaise à trois-temps », était un opéra intéressant sur un plan rythmique : chaque personnage était incarné par un meuble différent, que l’on abattait sur un parquet de cerisier, pour un meilleur écho, même si une fois, le voisin du dessous du studio dans lequel on tournait est arrivé avec un fusil, et a menacé de tous nous descendre…<br /> <br /> Q – Que s’est-il passé ?<br /> <br /> R – Il a pris une chaise dans la gueule… Ah ah ah, on a bien rigolé cette nuit-là ! Après on a mis au point « La Grosse Chaise », un instrument de musique, subtil mélange de bois et de cuivres, avec des cordes attachées au moyen des barreaux de la chaise, tandis que le coussin fut habilement remplacé par une caisse de résonnance…<br /> <br /> Q – Si vous ne deviez conserver qu’une seule œuvre de cette période chaisiste ?<br /> <br /> R – Sûrement un haïkours :<br /> <br /> « Hamac sans tarmac<br /> <br /> Où cours-tu, où vas-tu, moi,<br /> <br /> Sans tes pieds et sans tes jambes ?<br /> <br /> Frère ingambe<br /> <br /> Je ne crois pas ton tek craquant<br /> <br /> Ni les tabourets d’Ikea,<br /> <br /> Rongeurs patauds.<br /> <br /> John Cena brisa<br /> <br /> L’Eau-Horloge ;<br /> <br /> Boum !<br /> <br /> Assieds-toi, mais en silence,<br /> <br /> Car il peut se détruire,<br /> <br /> Sous ton poids, sous ton bois.<br /> <br /> A feuilleter nos sofas blancs, j’aime ton cuir ;<br /> <br /> Sous les trépiémolos couchettes,<br /> <br /> La chauffeuse a peur.<br /> <br /> J’ai mal, mal au dos ;<br /> <br /> Il m’a mordu le coussin-pendule !<br /> <br /> Quel Judas…<br /> <br /> Joseph était charpentier, c’est un beau métier, il aurait pu être chaisiste, mais il est mort ; telle est la vie<br /> <br /> De nous les artistes<br /> <br /> Qui n’avons pas deux et deux pattes ;<br /> <br /> Et si l’on jouait aux chaises musicales ?<br /> <br /> Les termites, bordel, ont dit<br /> <br /> « Nez » chez moi ! Toucher le sol, c’est cool.<br /> <br /> Pauvre mulot qui ne prend pas<br /> <br /> Le temps de s’asseoir ! Jamais<br /> <br /> Je ne roulerai…<br /> <br /> Sur un lit-plastique,<br /> <br /> Jamais je ne rirai sur les colliers de furets, ou alors en buvant un litre de pastiche et des chaises bleuâtres,<br /> <br /> Mais je suis la tristesse en pensant aux Chaisois<br /> <br /> Car ils peuvent brûler sous terre.<br /> <br /> Et ils avaient des fauteuils en cerises<br /> <br /> Les artisans mammouths.<br /> <br /> Rabotaient-ils l’été<br /> <br /> A le Saint-Siège ?<br /> <br /> Ils n’avaient pas, leurs menuisiers<br /> <br /> Des hauts bancs dans leurs chalutiers<br /> <br /> Chaise-électrique en soie<br /> <br /> Vous n’êtes plus bien sœurs, tables.<br /> <br /> Le fauteuil arthrose<br /> <br /> <br /> <br /> Mais pas le transat, hélas<br /> <br /> Chez Castorama<br /> <br /> Buffet ment,<br /> <br /> Dans la maison la<br /> <br /> Lunette des toilettes<br /> <br /> Vole nos belles vies ». C’est ça l’engagement.<br /> <br /> Q – N’y a-t-il pas eu cependant quelques dérapages ?<br /> <br /> R – Ah, je vois où vous allez en venir, c’est un peu facile quand même… vous voulez parler des problèmes qu’on a eu avec le C.A.N.A.P.E., n’est-ce pas ?<br /> <br /> Q – Le C.A.N.A.P.E. ?<br /> <br /> R – Les Catcheurs Artisans Némésistes Adeptes de Passementerie et d’Entretoise ; c’est vrai qu’ils constituaient un groupe un peu extrême, notamment lorsqu’ils ont décidé de prendre en otage le conseil municipal d’Arcachon avec des escabeaux et des échelles, mais franchement, c’était un mouvement extrêmement en marge du Chaisisme, l’usage des escabeaux le prouve bien.<br /> <br /> Q – Un mot sur la Controverse du Chaisisme ?<br /> <br /> R – « Aïe ».<br /> <br /> Q – Quelques mots de plus ?<br /> <br /> R – Un sujet délicat… Je crois que ce sont les tabourettistes qui ont commencé à foutre le bordel ; ils sont allés jusqu’à prétendre que le dossier n’était que secondaire dans l’exosquelette chaisois… une belle connerie ! Mais le mal était fait : après ça, évidemment, tout le monde a commencé à y mettre du sien, ces salauds de campeurs avec leurs putains de chaises pliantes, les Coussins Démocrates, le Pouf Populaire, les Amis du Sofa,… puis, y’a eu l’engouement général pour les roulettes… Encore un complot des Rouges, moi, je vous dis ! Tout foutait le camp, tenez pour exemple, vous avez déjà essayé de vous balancer sur des roulettes ? C’est absurde, bien sûr ! Et encore, je ne vous parle même pas des problèmes qu’on a pu avoir avec les fakirs…<br /> <br /> Q – En somme, la Controverse a mis fin au Chaisisme ?<br /> <br /> R – Je pense qu’il faut faire preuve de prudence sur ce dernier point : la Controverse a sans doute participé d’une manière ou d’une autre à la fin du Chaisisme, mais pour être honnête, je ne pense pas que cela aurait marché longtemps, de toute façon : dès le début, c’était une idée un peu bancale…<br /> <br /> Q – Merci, Monsieur Bann, vous êtes un auteur formidable !<br /> <br /> R – La critique a toujours raison. »<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà, j’attendrai donc avec une impatience que je tâcherai de contenir dans les limites de la bienséance votre sentiment sur cet extrait, et tâcherai de vous en recopier d’autres bientôt.<br /> <br /> PS : à titre exceptionnellement anecdotique, l’on pourra remarquer l’usage indifférencié des termes « chaisiste » et « chaisois », tant sous leur forme d’adjectif que de manière substantivée ; j’ignore toutefois complètement quelle pouvait en être la signification pour Yaruch Bann ».<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> <br /> <br /> Boris Tornpov
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