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Le Pont des amants de l'amant
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10 octobre 2007

Bann et l'inspiration

Lorsque l'on constate la richesse de l'univers de Yaruch Bann, une interrogation s'impose.
Vous-mêmes, ne vous êtes vous jamais demandé qui ou que pouvait être la muse de Bann?
Moi, non.
Mais quoi qu'il en soit, il s'avère qu'effectivement, notre ami arcachonnais disposait d'un point de chute infaillible en cas de ce qu'on appelle vulgairement les pannes d'inspiration -mais que Bann préfère nommer "grands moutons à lunettes", j'aurai l'occasion d'y revenir.
Il ne s'agit pas d'une femme, ni d'une oeuvre artistique, mais d'une petite chapelle abandonnée sur une falaise de  la côte girondine, dans laquelle il aimait composer silencieusement et mentalement.

"Ce petit cloître accroché au dessus des embruns renferme une chose indéfinissable
Que je ne pourrais nommer, peu de personnes peuvent en aspirer la troublante vérité
Sûrement pas l'enfoiré qui fait grincer sa motocyclette juste à côté de chez moi
Non, il faut -le peut-on?- se passer des mots, et j'en suis triste, mais le verbe
Est superflu ou insuffisant
...Non, un instant, le mot me revient: ça s'appelle une commode"

(Poème extrait de la section "Ecrits sur un coin de canard", du recueil Le Flamand prose)

En effet, le centre d'inspiration le plus intense du lieu se trouve, étrangement, à l'intérieur d'une commode à peine suffisamment grande pour contenir un être humain plié en deux. Pourtant, régulièrement, Yaruch Bann s'enfermait dans ce meuble, pendant plusieurs heures, et attendait patiemment que l'inspiration lui vienne. Cette attitude lui valut d'ailleurs la raillerie de beaucoup de ses contemporains, et bientôt il fut affublé du subtil surnom de "Commode Bann".
Ce sobriquet n'a d'ailleurs jamais semblé le gêner, et bien souvent il répondait à cette appellation par un "Ah ouais, Commode, comme la commode!", suivi d'un rire bon enfant et d'une tape complice sur l'épaule.

Plusieurs  grands classiques de Bann auraient été composés dans cette commode: Les quatre épingles de Melinda, Le Rendez-vous des Coyotes, plusieurs strophes du Voyage Panthalassaïen, ou encore Je n'ai pas écrit ce roman dans une commode.

Voici un témoignage de Yaruch Bann, extrait d'un de ses Carnets, sur la façon dont il créait:

"La plupart du temps, je m'enferme directement [dans la commode], et je ferme les yeux. D'ailleurs, c'est inutile, puisqu'il y fait sombre comme dans une commode. Alors, profitant de cette obscurité, j'essaie d'imaginer de violentes lumières, et j'attends que des images se fixent sur ma vision par persistance rétinienne. Ensuite, j'essaie d'imaginer une histoire à ces images monocolores, et c'est en général à partir de là que se fixent l'intrigue et l'ambiance générale du roman.
Pour ce qui est des personnages, la démarche est toute autre: je m'agenouille sur le sol de la chapelle, et je fais des batailles de fruits. Je prends par exemple une grappe de raisin et une banane, et je les force à se battre. Mais la plupart du temps, comme ils font preuve de mauvaise volonté, je les tape l'un contre l'autre en simulant un combat à mains nues, comme avec deux figurines pour enfants. Ne me demandez pas pourquoi, mais c'est dans ces circonstances que ça marche. En général, après trois rounds, j'ai une idée à peu près claire de la psychologie du personnage principal.
(...)
Au final, je pense que parfois je ne suis qu'un interprète, à l'image de l'homme qui copie sans cesse la nature pour progresser. Moi, je vois des images, alors je les retranscris sur le papier, c'est tout. Je veux dire: cette fois où un goéland m'a raconté une histoire d'amour entre un pompier toxicomane et une pianiste agoraphobe et daltonienne sur fond de tension militaire mondiale, est-ce que j'avais vraiment le choix?"

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