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Le Pont des amants de l'amant
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18 mai 2008

Encore des Ivresses...

Cette fois-ci, il s'agit d'un poème en prose, intitulé "Progression", lui aussi rédigé après absorption d'alcool:

"Par trois fois j’ai vu la mort et son polaroïd figer l’expression de mon dégoût, et les trois photographies qui en sont issues tapissent mon mur. On y voit les débuts, les balbutiements, qui font pâlir d’envie le roi qui désormais porte sa couronne au dessus des mers amères. Mais la mort était là, elle aussi, en ces temps, et je ne me souviens pas avoir fait autre chose que sacrifier les taureaux écumants de la ferme où nos jeunes bras poussaient la paille. Elle était déjà, là, elle, invisible, sans nom, sans visage, simplement prête à exister, et aujourd’hui, là voilà, multiple, insaisissable, comme le vent qu’on aimerait aimer et qu’on aimerait nous aimer.

Elle n’a pas de nom et pourtant dans son atelier je la vois tailler l’effigie du démon  -elle ne se lasse pas, moi non plus-, comme une ombre éternelle qui ne me quittera jamais vraiment car jamais elle ne fut vraiment avec moi. Il y a des parfums, des fragrances et des mœurs qui toujours restent dans la peau, et l’on hume l’atmosphère pour se sentir un peu moins vivant que l’autre, avec un grand aaaaah, qui lui a réussi, qui s’est multiplié et ne souffrira pas d’une mort mais d’une infinité de morts, alors, profitant de la distraction d’une ankou trop occupée, il gravira les marches de la gloire pour s’asseoir sur le trône de l’immortalité, où, vous pouvez en être sûrs, il fusillera tous ceux qui autrefois l’ont devancé.

Je ne me rappelle pas avoir un jour souhaité me noyer dans ces poisons exquis qui aujourd’hui coulent dans mes veines comme le sang lourd que j’ai parfois souhaité répandu dans la foule. Il aura suffi que l’abime m’envoie son invitation pour que j’y succombe, pour que je goûte à l’aura du démon, qui aujourd’hui ne m’est pas plus ridicule que le bon dieu, qu’on dit « bon », comme on dirait « bonne femme », par habitude, par paresse du nouveau –la paresse du nouveau m’habite comme elle me dégoûte, si seulement…non, la violence et le sang n’ont jamais pu soulever l’homme-, mais quand on le regarde droit dans les yeux, la contrefoi se manifeste, et d’agneau on passe à agneau mort. Je suis un agneau mort, dérélictant par choix, parfois par défaut, mais jamais par choix d’une solution. Une solitude n’arrive jamais seule. Quand tout le monde sera parti, je pourrai enfin commencer ce livre désiré depuis l’enfance. Une bouteille à la main, je le dégusterai comme le seul bonheur possible, et de par cette unicité, il sera le sommet. Ils me font rire, ces hommes en robe et en chapelet qui m’ont promis le sommet, car le sommet n’existe que si on détruit le reste : j’enverrai par le fond les montagnes concurrentes, et je serai au sommet, seul. Qui du sommet ou de la compagnie consiste en la fin ?

Putain, si j’en avais connaissance, serais-je ici, titubant, à faire dégouliner l’absurde propos de mon ivresse dans ces phrases pompeuses ? Regardez-moi tous ! Je sais dépasser le sujet, le verbe, et le complément, voilà ce à quoi m’aura servi de me répéter depuis vingt ans « je ne suis pas pareil aux autres ! ». Il me parait toujours plus simple de balancer la vomitive vérité dans la gueule des gens plutôt que de les faire espérer et de les voir arriver, à vingt ans révolus, devant le trône promis, et de le voir vide. On entend toujours un éclat de rire, à ce moment-là, c’est une blague universelle.

Bien sûr, Elle, elle est toujours là, c’est ça, le nouveau, une sorte de bonheur suprême dont la valeur varie, on la compte dans l’unité qu’on souhaite, et je crois que parfois, elle parvient à faire oublier le vide. Mais elle est multiple. Qui est-elle ?

Elle est l’inexact plaisir des sens, la fougueuse fugitivité de la vie sage, et quand je pose mon regard sur ses seins, j’oublie que dans l’instant d’après il faudra à nouveau s’enfoncer des rosiers sous la peau, j’aime ma petite amie comme j’aime l’alcool, et comme les vins imaginaires promis par les anciens pays fabuleux, car croire, c’est aussi vivre et mourir, et le premier est plus calme, plus long, quand la fulgurance du deuxième n’a d’égale que sa brièveté.

Maintenant je pense à tous ceux qui de leur regard m’offriront ou non l’immortalité, et j’espère que malgré leur ignorance, ils sauront faire le choix. Le bon choix.

Il n’est pas facile de savoir, surtout quand un pseudo-poète maudit vous affuble de quolibets incompréhensibles pour masquer son irréalité. Je suis irréel, eh bien, vous aussi, mais je le montre différemment, quand vous ne pensez qu’à l’autoroute. Je ne sais pas pourquoi l’autoroute me vient, j’imagine plutôt le chemin de fer à l’entrée de Malakoff, près des pistes cyclables, mais je ne peux pas lutter contre les évocations multiples de ma vie. Si seulement je pouvais faire comprendre à celui qui me lit le désespoir que me causa un jour la vue du dégradé qu’offraient cet immeuble et le gris du ciel, je pourrais…je ne sais pas où cela me mènerait, mais j’y suis attiré comme j’en ai l’angoisse. L’angoisse de manquer là où je pourrais réussir, là où je pourrais réussir moi seul –je ne suis pas pareil aux autres-, et là où pourraient réussir tous les autres, quand moi, je serais trop faible. Ce n’est pas un délit, pourtant, on s’accorde tous à le penser, et pourtant, la boue coule dans la veine délicate de celui qui dit, aux heures tranquilles « que cet homme mérite la mort », et il n’a pas tort, car tout le monde pense la même chose –c’est ça, la vérité ? c’est ce qu’on m’a dit, je veux bien le croire, car toutes les pensées se ressemblent et n’ont au final aucune valeur. Aucune n’aura jamais la valeur de ces moments de quiétude où je pose ma tête sur ses seins, où elle pose la sienne sur ma poitrine, ni ces moments de guerre où je me crois cent fois perdu à ses yeux, et où, insensiblement, doucement, un esprit invisible se pose sur mon épaule et me dit « ne crains rien, c’est acquis, elle t’accompagnera jusqu’à ton tombeau pour t’empêcher d’y courir trop précocement », et je l’écoute car il a sa voix. J’avale une nouvelle gorgée pour me dire que c’est faux, désormais, mais l’amusement a-t-il vraiment disparu ? Plonger à plat ventre sur des parquets ultramarins et glisser jusqu’à la rafraîchissante piscine de cette réunion. Qu’ils sont parfois doux et confortables , ces clichés de paroles, on l’a déjà dit cent fois, mais ce sont peut-être ces utilisations répétées qui en ont gâté la dureté et les ont rendus si moelleux. Encore une gorgée, la fougue se perd, et il faut la faire durer jusqu’à ce que le sujet soit épuisé –putain, que ces illusions sont stupides-, et le faire éclater au monde comme la seule vérité. C’en est trop, je m’absente

 

Et je reviens avec une ou deux gorgées de plus, c’est complaisant de compter, tout comme sont complaisantes ces pensées dites mille fois –je l’ai déjà dit, mais j’ai augmenté le nombre pour donner l’impression d’une évolution, me voilà maintenant -c’est terrible- à prononcer par écrit les banalités qui me surviennent, le temps qu’il fait –il y a un paquet de biscuits sur le bureau.

Petit –j’avais quatre ans, je savais lire et j’en étais fier-, j’ai voulu pour faire rire couper mon doigt aux ciseaux, je l’ai fait, et ça faisait mal, mais le sang, cette nouvelle couleur, je n’en nie pas la beauté –à l’époque, je ne sais pas. Il faut que j’arrête la manie des tirets pour les planter dans le cœur de l’homme.

Quand l’absurdité de mon propos me vient au visage, je le dissipe avec une gorgée.

Et c’est reparti…il est onze heures, maintenant, espérons que j’aurai le temps de dessouler avant d’aller rejoindre mes amis –Malesherbes, c’est loin, tout de même. Tant pis s’ils me voient ainsi, je ne cherche pas à me rendre minable où à inspirer la pitié, je veux juste pouvoir écrire sans interruption, c’est de « l’amour de l’art », comme on dit quand on ne sait pas quoi dire, c’est cet amour qui me pousse à absorber cet alcool, pas l’amour de la déréliction –je la dépasse, cette pute, n’ayez plus peur. Ça n’a pas marché, de toute façon, il faut enrubanner la chute par l’art, sinon elle est ennuyeuse, elle vous prend votre temps, et ça n’est déjà pas facile, alors n’ayez plus peur de me voir essayer de me noyer dans la salle de bains comme le week-end dernier, car cette méthode est caduque ! Je la dirais même ridicule si je n’y avais pas autant cru –voit-on dans mes mots l’optimisme qui désormais s’en dégage ? C’est important.

C’est l’optimisme des miettes –mes chères miettes, vous avez plus de valeur que le trésor de Sardanapale-, cette douceur-malgré-tout qui par contraste –je hais cette expression- offre plus de splendeur que les plus intenses joies pures –pures, et donc binaires. Autrefois j’aimais m’écouter la chanson unique du groupe qui jeta la bombe sur Hiroshima pour me dire que j’en étais l’auteur, ou du moins l’acteur, et je glissais dans les rues nocturnes et pluvieuses pour me dire que moi aussi, un jour, je rejoindrai le panthéon des gens morts pour…aucun mot ne vient, je dirai « rien », mais ça n’est pas ça.

 

Je saute un paragraphe pour dire cet adieu au monde marécageux qui me conduira enfin –je l’espère, mais j’ai confiance en toi- dans un monde où la souffrance a droit de cité, mais où les votes sont truqués. Je te salue, toi, qui m’accueille dans ma propre maison, que j’ai quittée il y a bien longtemps, par une soirée de février."

 

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